EXPLICATION DE TEXTE PHILOSOPHIQUE
Epictète, Manuel, paragraphes 1 et
5
On estime que le bonheur est le but ultime
de chaque être humain. Certains pensent que chaque être est à lui-seul apte à
faire son bonheur, que celui ci dépend de ses choix et de ses actes. Nous
pensons que l’accès à l’utopie de la vie humaine ne peut être atteint que par
ce qui dépend de nous. Or dans son Manuel, Epictète stipule que l’Homme
ne peut pas contrôler ce qui ne dépend pas de lui, la richesse, la mort, l’opinion
des autres. L’Homme doit alors se concentrer sur ce qu’il peut contrôler, c’est
à dire son âme, qui est la seule partie libre de son être. Mais alors, si
l’Homme se résout à ne subvenir qu’à ce qui ne dépend de lui sans vouloir
changer ce qui n’en dépend pas, cela le conduirait-il au bonheur ? Les
enjeux sont ici d’ordre moral. Il s’agit maintenant de savoir dans quelles
mesures et sous quels critères peut-on séparer et classer ce qui dépend de nous
et ce qui n’en dépend pas. L'intérêt
principal de ce texte réside dans l'affirmation d'une liberté intérieure, qui
consiste en une condition indispensable au bonheur. La sagesse stoïcienne
peut-elle alors nous faire accéder au bonheur ?
Dans son Manuel, Epictète dit :
« Dépendent de nous l’opinion, la tendance, le désir, l’aversion, en un
mot toutes nos œuvres propres. » Epictète définit ainsi ce qui dépend de
nous, ce sur quoi nous pouvons agir, ce qui nous est intérieur. Il faut alors
savoir discriminer entre ce qui est de notre ressort et donc de notre volonté,
de ce qui ne l’est pas. Le mal ne réside pas dans les évènements mais dans la
façon dont nous les interprétons.
Ce n’est pas une chose en elle-même qui
nous fait souffrir mais la représentation et le jugement que nous portons sur
elle. Par exemple, la mort n’est rien en elle-même mais pourtant la pensée de
la mort nous fait souffrir.
Le destin peut parfois être accablant en
dépit de notre volonté mais il dépend de nous d’apprendre à relativiser pour
affronter les durs évènements. De cette façon Sénèque stipule « Les
destins conduisent celui qui veut, ils traînent celui qui ne veut pas. »
Epictète explique que la liberté réside
dans ce qui dépend de nous. « Les choses qui dépendent de nous sont
naturellement libres, sans empêchement, sans entrave » En effet pour les
stoïciens, la liberté consiste en la liberté de pensée elle-même.
Cependant, un nombre considérables de
choses ne dépendent pas de nous « le corps, la richesse, les témoignages
de considération, les hautes charges, en un mot toutes les choses qui ne sont
pas nos œuvres propres ». Selon Epictète, le bonheur réside non pas dans
les choses qui ne dépendent pas de nous, mais dans la représentation que nous
nous faisons de celles-ci. En suivant ce point de vue, on peut alors dire que le
bonheur est contenu dans notre liberté et notre volonté. Il nous appartient
donc de nous efforcer à faire notre bonheur, sans nous perdre dans des quêtes
futiles et illusoires qui ne dépendent pas de nous. Nous ne sommes pas maîtres
de notre destin, il ne faut pas penser pour autant que tout nous échappe et que
nous ne sommes pas responsables de ce qui ne dépend pas directement de nous.
L’univers stoïcien est dirigé par le Destin et la Providence qui ne dépendent
pas de nous mais sur lesquels nous avons une sorte de pouvoir, dans la mesure
où nous pouvons user de notre pouvoir de réflexion. L’univers épicurien quant à
lui est gouverné par le hasard. Cependant ses deux doctrines sont reliées,
chacun considère que le bonheur et la vertu sont unis dans un état de sagesse.
« Si tu prends pour libres les choses
naturellement serves, pour propres à toi-même les choses propres à autrui, tu
connaîtras l’entrave, l’affliction, le trouble, tu accuseras dieux et
hommes. » En effet la conséquence d’un être voulant posséder la richesse
des autres est le trouble, celui-ci ne connaîtra alors pas le bonheur. Au
contraire, « si tu prends pour tien seulement ce qui est tien, pour propre
à autrui ce qui est, de faire, propre à autrui, personne ne te contraindra jamais
[…] car tu ne souffriras aucun dommage. » Si nous nous contentons de ce
qui dépend de nous, nous serons dans un état d’ataraxie. Cependant même si nous
ne sommes pas responsables de notre destin et de ses facteurs extérieurs, il
dépend de nous de leur donner notre assentiment.
«Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas
les choses, mais les jugements qu’ils portent sur les choses. » Nous
pouvons alors dire que ce qui compte ne sont pas les choses ni les faits en
eux-mêmes mais la vision et le sentiment qu’ils nous font ressentir. La Raison
est par définition, bonne. Il n’y a par conséquent pas de mal absolu par
rapport au Tout, ce n’est que par rapport à notre angle de vision limité que
les choses peuvent être perçues comme mauvaises.
Ainsi, on peut dire que pour atteindre le
bonheur, il faut faire la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui
n’en dépend pas. La seule chose dépendant de nous est notre âme, moteur de
notre pensée. Il faut donc l’utiliser à bon escient afin d’avoir un certain
contrôle même sur ce qui ne dépend pas de nous et ce sur quoi nous n’avons
aucun pouvoir à proprement parlé. Les choses qui ne dépendent pas de nous ne
peuvent pas nous mener à elles-seules vers l’ataraxie, il faut pour cela user
d’une bonne représentation.