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Incipit du Quai des Brumes de Mac Orlan

938 Words / ~2½ pages sternsternsternsternstern_0.5 Author Walter C. in Oct. 2015
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Literature

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Lycée français

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2014

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Walter C. ©
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ID# 49913







QUAI DES BRUMES INCIPIT par C. professeur agrégée de Lettres Modernes


1/ PORTRAIT DE JEAN RABE


Entrée en scène abrupte in medias res : les 3 premières phrases le font surgir dans un blanc neigeux avec des caractéristiques d'état civil puis 3 indices de détresse matérielle.

La suite est un récit sommaire, une rétrospective de son passé récent, traversé d'une scène singulière (la nuit du bar des Halles)


Le portrait dévoile au fur et à mesure du texte :

  • le harcèlement de la faim : « dans la tête de l'homme qui a faim » comme dira Prévert dans La Grasse Matinée en 1945. pensée assujettie à l'obsession de la nourriture. Désir de viande rouge (impure au regard du « blanc boréal » ) Le Rouge connote aussi le sang, qui coulera, qui sera versé dans « les brumes »

  • la hantise d'un logement pour la nuit : détail des expédients à sa portée pour dénicher un asile de nuit. Combines précaires (connaissances, bons de police, stations prolongées dans les bars de nuit) Mais le sommeil est assimilé à la mort : « repos infernal », séjour des Enfers ou bien encore incarcération (comparaisons avec les prisons)

  • la malédiction du chômage : travail précaire et métaphore de l'exclusion sociale « Rabe n'était pas de leur jeu et ils lui refusaient les cartes »

    Le tout signant la « misère animale », l'état de bête prostrée qui est le sien.

  • son état d'âme calamiteux : un homme qui n'aspire à rien sinon à la satisfaction brute de ses besoins vitaux ou désirs : notations sur son goût de l'immobilité, de la station couchée à l'abri de tout « anéantissement/porte fermée/ en marge du monde et de l'existence » à l'abri de sa propre mémoire «  à travers les rues, à travers les hommes et les femmes dont il se promettait d'oublier les noms » et sans lendemain : « projets d'avenir » « personnalité future » et « dès que l'avenir le permettrait » sont des remarques dérisoires au vu de son contexte et comme morts-nées, à peu près aussi improbables que la perspective de manger un steak saignant.

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  • ses mœurs douteuses : en voie de perdre sa nature humaine, pour avoir bu « le calice jusqu'à la lie » « chaque jour » : l'image renvoie le poids de désillusion et de désenchantement sur le monde et lui-même qui est le sien. Promiscuité de la misère et du vice « il aimait les femmes et les hommes parce qu'il les sentait encore plus vils que lui » regard « de mauvais prêtre » c'est-à-dire de cynisme et de reniements et de désirs coupables.

    Vie nocturne de fréquentations basses « les filles du tiers état de la prostitution ».

    Antihéros, sans doute, mais pas un personnage ordinaire : un déclassé (lycée, baccalauréat, métier de correcteur attestent d'un autre potentiel qu'il a laissé choir) en milieu semi-crapuleux, un marginal emblématique qui va « de déchéance en déchéance »




  • « Cétait une belle neige d'une pureté boréale » alors que le décor est urbain, sensation paradoxale de No man's land qui vient contrarier le pittoresque d'un lieu ultra-connoté en 1927 : La Butte Montmartre, mal famée et repaire de faux-artistes et de vrais voyous ainsi que d'un petit-peuple vivotant dans ses ruelles.

    Rue Constance chambre sous les toits/ Montmartre/ hôtels borgnes/ bar des Halles/ poste de police/ Paris, rue Durantin : véritable itinéraire de la déveine pour le lecteur contemporain de Mac Orlan. Mais le pittoresque des mauvais lieux n'est pas vraiment mis en valeur par la description car le personnage s'y meut en aveugle « à travers les rues » « à travers l'eau » «  à travers les hommes et les femmes ».

    Nulle évocation de « couleur locale » qui rendrait le décor typique. Seuls les termes péjoratifs de la misère marquent l'espace : « confort misérable » ou pire « prison » « cellule ». C'est le monde de « La Rue » en général c'est-à-dire au sens figuré de tout lieu sans issue;



    La scène nocturne singulière du « bar des halles » laisse entendre le caractère sordide et désespérant de cet ancrage - avec la mention de cette petite fille abandonnée à la nuit. La vulgarité des « estaminets » où règne la prostitution de bas étage à Paris comme en province accentue la noirceur de l'espace romanesque.


    On insistera sur le sens du titre : QUAI DES BRUMES pas de port ni de quai d'embarquement pour une autre destination mais une métaphore de l'attente vaine dans le brouillard des êtres et des événements.


    Un début de roman qui s'ouvre comme une fin en somme : celle de celui qui est balayé « comme le vent une feuille sèche, de-ci, de-là, souvent avec des soubresauts comiques » comparaison chargée d'une mélancolie très verlainienne :


    Et blême, quand
    Sonne l'heure,
    Je me souviens
    Des jours anciens
    Et je pleure
    Et je m'en vais
    Au vent mauvais
    Qui m'emporte
    Deçà, delà,
    Pareil à la
    Feuille morte.

    On a le portrait d'un personnage revenu de tout à 25 ans dans un environnement dont il n'y a rien à attendre : laisse présager un roman très noir, un ou plusieurs drames qui se noueront sans espoir de rémission.

    Un réalisme tragique, un vérisme âpre (qui s'attache à la représentation de la réalité triviale -alcoolisme, prostitution-délits- de couches sociales défavorisées ) Un climat, une atmosphère très entre-deux-guerres (crises et menaces des années 1930)


    La portée tragique de cet incipit réside dans la description d'un engrenage morbide « de déchéance en déchéance » : le poids d'une fatalité (humaine, sociale, psychologique) imbibe « comme une éponge » le personnage de Jean Rabe dont nom et prénom sont porteurs également d'une certaine symbolique : le prénom d'une grande banalité, le nom qui désigne en allemand « le Corbeau » et en argot militaire le temps supplémentaire imposé à un service.



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