Le
sanctuaire panhellénique de Delphes
Situé au
flanc du mont Parnasse, le site du sanctuaire panhellénique de
Delphes était considéré par les grecs comme le centre de leur
monde, l'Omphalos, où deux aigles dépêchés par Zeus s'y seraient
rejoint. De plus, pour les grecs c'est Apollon lui-même qui aurait
fondé Delphes et c'est ce caractère divin qui fait qu'elle est
choisie comme sanctuaire. Le document étudié en est donc un plan
restitué, extrait du Guide de Delphes, le site de l'Ecole
française d'Athènes. Limité par des murs, un péribole, le
sanctuaire est composé de divers bâtiments sacrés et publics. Les
auteurs du plan on numérotés ces bâtiments à partir de l'entrée
de la voie sacrée, chemin que prenaient les processions. Accessible
et par la mer en débarquant à Kirrha et par la montagne en
franchissant la passe d'Arachova, le sanctuaire
de Delphes était un passage incontournable pour tous les grecs,
notamment pour la consultation de l'oracle ou encore pour quérir
l'aval d'Apollon pour toute nouvelle entreprise comme la fondation
d'une colonie. Mais la particularité de ce site est qu'il est
qualifié de panhellénique, donc commun à tous les Grecs et nous
allons donc tenter de répondre alors à la problématique suivante :
Quels sont les éléments qui font de ce sanctuaire un symbole
d'unité du monde grec ?
Nous
tenterons d'y répondre en trois parties : une première montrant les
éléments qui font de lui un lieu de culte, une seconde les éléments
qui font de lui un lieu de mémoire et enfin, une troisième montrant
qu'il était un lieu de vie à l'image de toutes les cités grecques.
I- Un lieu de culte
1- Apollon
Le sanctuaire de Delphes
peut d'abord être considéré comme un lieu sacré pour les Grecs,
un lieu de culte envers Apollon, dieu fondateur du sanctuaire.
Le
nom de Delphes (pluriel Δελφοί / Delphoí) vient du dauphin
(δελφίς / delphís) : dans la poésie homérique, Apollon
aurait pris la forme de cet animal pour attirer les marins crétois
chargés d'instaurer son culte sur le site.
Celui-ci aurait ensuite tué un un serpent,
Python, fils de Gaïa, gardien du site de l'oracle qui était
consacré à Gaia. La présence de cet oracle est attesté par la
présence du Rocher de la Sybille (14), qui prédisait l'avenir. Le
culte pour Apollon était au coeur de la vie du sanctuaire, en
témoigne la position centrale du Temple (27), bâti entre 370 et 330
sur le site, temple qui d'ailleurs avait la particularité d'être un
élément majeur, car il abritait l'oracle. Ce temple, fait de six
colonnes en façade et quinze en longueur, était le fruit de six
reconstruction successives, la construction du premier temple étant
estimée aux alentours du VIIIè avjc, date de développement du
sanctuaire. Lorsque le dieu s'appropria le sanctuaire il en fit une
sorte de guide pour les humains, ce qui fit de lui le patron des
entreprises coloniales. Son prestige était tel que dès le Viè
siècle par exemple, l'Apollon Pythien supplantera l'Apollon de
Délos.
2- Vocation oraculaire
Mais la vocation même du
sanctuaire est la divination.
Les grecs arrivaient
à l'autel de Chios (24), dont les habitants manifestèrent très
tôt une piété pour Apollon, et avaient le droit de promantie.
L'autel était l'élément le plus important car il permettait de
réaliser les sacrifices. Il était situé devant le temple et les
grecs devaient sacrifier une chèvre pour pouvoir consulter.
A l'intérieur du temple dans une salle spéciale officiait la
Pythie, prêtresse de l'oracle de Delphes. Elle était choisie pour
sa chasteté et son ignorance du monde extérieur et servait de
"porte-parole" de la vérité apollinienne qu'elle rendait
dans un état de transe et qui était traduite par une prêtre. La
consultation de l'oracle était un passage obligé pour quérir
l'aval d'Apollon pour toute nouvelle entreprise. C'est le cas par
exemple lors de la fondation d'une colonie, qui est toujours précédée
d'une visite du sanctuaire et de la consultation des oracles par
l'oikiste.
II- Un lieu de mémoire
1- Des bâtiments pour
honorer la mémoire
Le sanctuaire de Delphes
peut aussi être considéré comme un espace où la présence de la
mémoire est très forte. Le premier aspect est lié à la volonté
de remercier un dieu en cas de victoire, par exemple. Ceci est
directement lié à l'érection de diverses constructions, notamment
celle des trésors, sortes de chapelles de taille moyenne construites
par les cités suite à de bons évènements pour contenir les
offrandes faites à Apollon par les pèlerins. Les trésors n'étaient
pas une exception delphique mais on en comptait une vingtaine,
chiffre remarquable, dont les plus anciens comme le trésor de
Corinthe (18) érigé aux alentours de 600 av J-C était de simples
chambres, plus tard le modèle du porche à deux colonnes, orné de
frises et très luxueux dominera. Pour honorer Apollon, les Grecs
procédait à des offrandes, des ex-votos, signifiant "en
conséquence d'un voeu", pouvant prendre diverses formes comme
par exemple le char du Soleil de Lysippe, offert par les Rhodiens
(26). A ces ex-voto s'ajoutaient d'innombrables offrandes offertes
par des particuliers, et exposées dans les trésors. Ceux-ci étant
présent en grande quantité, deux fosses sont creusées dans l'Aire
du Temple d'Apollon pour les y entreposer.
2- Rappeller les grands
évènements et les grands hommes
Delphes est aussi un lieu
de commémoration de l'histoire grecque qui permet aussi aux cités
d'"étaler" leur victoires ou de grands évènements ayant
marqué leur histoire, leur puissance et leur richesse. C'est le cas
par exemple du trésor des Athéniens (10) qui, construit en marbre
de Paros grâce à la dîme du butin de Marathon, rappelle à travers
une frise le combat des grecs contre les Amazones et la victoire des
Athéniens contre les perses de Darius. C'est le cas aussi du le
trésor de Siphnos (7), fait de marbre et surmonté d'une frise
rapellant le jugement de Pâris ou une gigantomachie, ou encore le
trésor de Thèbes (8).
En plus de garder les
offrandes, les constructions servaient aussi à rappeller le passages
de personnages majeurs comme par exemple le pilier de Prusias (31),
surmonté d'une statue équestre de ce roi de Bythinie ou encore les
emplacements tel que le portique d'Attale Ier (34), souverain de
Pergame au Iième. Les statues jouaient aussi un rôle important, ce
qui est constaté par leur emplacement à l'entrée de la voie
sacrée. Prenons l'exemple de l'ex voto des Athéniens (2) composé
de seize statues représentant Athéna, Apollon et Miltiade sur le
même plan et dix héros vitorieux puis trois magistrats. De plus,
Lysandre fait aussi ériger des statues à sa gloire personnelle
durant la bataille de l'Agios Potamosn, ce que l'on va appeller Les
Navarques (1). Il s'y fait représenter, autour d'une trentaine de
statues, en train de se faire couronner entre autre par Castor et
Pollux. Autre exemple le Sphinx des Naxiens (59) situé à une place
prestigieuse, à côté du rocher de la Sybille, semble avoir plus
pour vocation de montrer la puissance de Naxos et sa richesse qu'un
sens purement religieux.
III- Un lieu de vie pour
tous les grecs
1- Un sanctuaire à
l'image de la cité
Delphes etait un sanctuaire
panhellénique, un lieu qui regroupait donc tous les grecs. Ils
étaient des complexes architecturaux extérieurs à la cité et
étaient le seul lieu où les Grecs prenaient part à des
célébrations religieuses communes. Il était donc construit de
manière à ce qu'il reflète une partie de la cité : en effet, même
si certaines constructions comme le stade étaient situées à
l'extérieur du sanctuaires, celui-ci abritait par exemple un théâtre
(29) qui pouvait contenir jusqu'à cinq milles personnes lors
d'évenements tels que les fêtes delphiques où avaient lieux les
jeux pythiques, des concours de musique, de poésie etc.
Il faut imaginer le
sanctuaire comme un lieu de passage pour des personnes venues de la
Grèce entière, un lieu de rencontre donc. Certains édifices en
résultent directement : c'est le cas par exemple pour le Lesché des
Cnidiens, un lieu de conversation. Le site était décoré de
tableaux, Pausanias raconte par exemple que la fontaine Cassotis
renfermait des tableaux de Polygnote.
2- Delphes et la
politique
Mais un des autres aspects
que laisse transparaître Delphes est son influence politique dans le
monde hellène. Cela est directement visible à travers la présence
de bâtiments comme par exemple le Bouleutérion (11), où siégeait
le Sénat de Delphes ou encore les Prytannées (20).
Le sanctuaire représentait
aussi une autorité politique internationale : comme Apollon, les
hommes se battent pour en avoir le contrôle, et cela pendant plus de
mille ans. Mais l'administration du sanctuaire est organisée par
l'amphictionie, douze peuples qui s'occupaient des affaires de la
Grèce entière comme par exemple des Ioniens, des Doriens, des
Thessaliens, des Maliens etc. Ceux-ci s'occupaient d'arbitrer des
conflits, déclencher des guerres communes...
Mais ce centre oraculaire
pouvait aussi, comme le pense Hérodote, être comparé à une porte
ouverte à la corruption. En effet, les prêtres qui rendaient
l'oracle avait un pouvoir certain, car les décisions prises pouvait
avoir un fort impact par exemple lorsqu'il s'agissait de déclencher
ou non une guerre.
Delphes était aussi un
moyen pour les cités de rayonner, à travers les trésors ou les
constructions qui montraient leur puissance.
Pour conclure nous pouvons
dire que le sanctuaire a clairement une vocation de rassemblement,
principalement grâce à la religion. Tous ces grecs se réunnissaient
dans le but d'honorer Apollon et d'assister aux oracles rendus par la
Pythie, et étaient donc unis par une religion et par des pratiques
communes. Mais il faut nuancer ce propos : certes Delphes apparaît
comme lieu de rassemblement, mais cette volonté est quelque peu
entâchée par la volonté des cités à mettre en avant leur
puissance. Le plan permet davantage de montrer cet aspect notamment
par la vision de cette voie sacrée qui en son premier plan ne laisse
apparaître que des trésors toujours plus raffinés et non pas par
exemple ce grand temple d'Apollon qui, l'on peut penser, pouvait
faire modeste auprès de bâtiments plus originaux les uns que les
autres.